31 Mars 2020
Entreprises et praticiens du droit partagent la même interrogation : l’épidémie de Covid-19 peut-elle être valablement invoquée comme cas de force majeure ? Les premiers arrêts sur ce sujet viennent d’être rendus.
En matière contractuelle, dans l’hypothèse où l’un des cocontractants est confronté à l’impossibilité d’exécuter son obligation contractuelle, reconnaître l’épidémie de Covid-19 comme cas de force majeure pourrait entraîner, en application de l’article 1218 du Code civil :
– Soit la suspension de l’obligation dont l’exécution est empêchée si l’empêchement est temporaire (sous réserve néanmoins que l’impossibilité d’exécuter cette obligation ne justifie pas la résolution du contrat) ;
– Soit la résolution de plein droit du contrat affecté si l’empêchement est définitif.
Par deux arrêts des 12 (Colmar, 6e ch., 12 mars 2020, n° 20/01098) et 23 mars 2020 (CA Colmar, 23 mars 2020, n° 20/01207), la Cour d’appel de Colmar livre une première analyse.
La Cour devait se prononcer sur la situation d’individus placés en centre de rétention administrative et en zone d’attente. Constatant l’absence de ces individus à l’audience, la Cour a décidé de statuer hors leur présence compte tenu des circonstances caractérisant des cas de « force majeure ».
Si cet arrêt a été rendu en matière de droit des étrangers, l’extension de cette solution en matière contractuelle pourrait être envisagée si les trois conditions d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité présidant la force majeure et rappelées par la Cour d’appel dans son arrêt du 12 mars sont réunies.
Extériorité : L’événement doit échapper au contrôle du débiteur de l’obligation.
Imprévisibilité : L’événement ne pouvait pas être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat.
Irrésistibilité : Les effets de l’événement ne peuvent pas être évités par des mesures appropriées, c’est-à-dire qu’il doit être absolument impossible pour le débiteur d’exécuter son obligation (une simple difficulté d’exécution est insuffisante pour caractériser l’irrésistibilité).
La condition sur laquelle l’attention du débiteur souhaitant s’exonérer de sa responsabilité contractuelle se focalisera en particulier est celle de l’irrésistibilité. En effet, il devra être méticuleusement démontré que le débiteur ne disposait d’aucun recours de substitution pour exécuter ses obligations.
Par ailleurs, la condition d’imprévisibilité pourra également faire l’objet de débats en fonction de la date de la conclusion du contrat. Quelle est la date au-delà de laquelle l’épidémie pourrait être considérée comme prévisible alors même que le Covid-19 est apparu en Chine fin 2019 mais que sa propagation en Europe et en France a été plus tardive ?
Nul doute que des réponses seront apportées à ces interrogations au fil des prochaines décisions judiciaires.