4 mai 2018
L’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et des obligations, a été ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018. Cette loi de ratification modifie ou complète certains dispositifs introduits par l’ordonnance.
Application de la loi dans le temps
Certaines dispositions de la loi entrent en vigueur le 1er octobre 2018. D’autres ont un effet dit « interprétatif », et s’appliquent donc à compter du 1er octobre 2016 (date d’entrée en vigueur de l’ordonnance).
Il conviendra donc, pour apprécier le régime juridique des actes, de faire les distinctions suivantes :
(i) contrats conclus avant le 30 septembre 2016 : ancien code civil (sous réserve des actions interrogatoires introduites par l’ordonnance) ;
(ii) contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2018 (code civil issu de l’ordonnance et des dispositions interprétatives de la loi) ;
(iii) contrats conclus après le 1er octobre 2018 (code civil issu de la loi).
Il faudra tenir compte des effets découlant de prorogations, de renouvellements ou d’avenants se rapportant aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ou 2018.
Négociation du contrat
1. L’article 1112 du code civil prévoit qu’en cas de faute dans la négociation du contrat, la réparation du préjudice ne peut avoir pour objet de compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu. Cet article précise désormais que « la perte de chance d’obtenir ces avantages » n’est également pas indemnisable. [1]
2. L’article 1137 du code civil, consacré au dol, précise désormais que « ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation ». Cet alinéa est en ligne avec le dispositif relatif à l’obligation précontractuelle d’information (article 1112-1 du code civil), laquelle ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation. En revanche, l’articulation de cet article avec l’article 1139 du code civil est plus délicate. Il faut rappeler que celui-ci dispose que l’erreur « ‘est une cause de nullité alors même qu’elle porterait sur la valeur de la prestation ou sur un simple motif du contrat ».
Conclusion du contrat
3. L’article 1165 du code civil introduit par l’ordonnance prévoyait qu’« un représentant ne peut agir pour le compte des deux parties au contrat ». Cette disposition posait difficulté en matière de représentation des personnes morales, par exemple lorsque la personne représentant les deux sociétés se trouvait être la même personne physique. Désormais, l’article 1161 cantonne cette règle à la représentation des personnes physiques. Dans ce seul cas, « un représentant ne peut agir pour le compte de plusieurs parties au contrat en opposition d’intérêts ni contracter pour son propre compte avec le représenté ».
4. L’article 1145 du code civil introduit par l’ordonnance disposait que « La capacité des personnes morales est limitée aux actes utiles à la réalisation de leur objet tel que défini par leurs statuts et aux actes qui leur sont accessoires, dans le respect des règles applicables à chacune d’entre elles ». Afin que ne soient pas remises en cause les règles applicables à chacune des formes de sociétés, l’article 1145 dispose désormais plus simplement que « La capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles ».
5. L’article 1327 du code civil relatif à la cession de dette contient un alinéa supplémentaire. Cet alinéa dispose que la cession de dette doit être conclue par écrit à peine de nullité. [2]
Contenu du contrat
6. L’article 1110 al. 2 du code civil, consacré à la définition des contrats de gré à gré et d’adhésion est modifié. Initialement défini comme le contrat « dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l’avance par l’une des parties », le contrat d’adhésion est désormais caractérisé comme celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Corrélativement, le contrat de gré à gré n’est plus celui « dont les stipulations sont librement négociées », mais celui dont les clauses « sont négociables entre les parties ».
L’article 1171 du code civil répute non écrite, dès lors qu’elle créé un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, toute clause « non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties».
Ces modifications ont pour effet, d’une part, d’écarter du dispositif les clauses qui n’ont pas été négociées alors qu’elles étaient négociables, et, d’autre part, de ne pas cantonner la qualification à l’examen des seules conditions générales. La sanction affecte les seules clauses soustraites à la négociation dès lors qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties.
Il reste à déterminer à partir de quand l’on doit considérer cette « non négociabilité » est déterminée « à l’avance ». S’agira-t-il de clauses imposées en cours de négociation ou annoncées comme telles au début de celle-ci ? Il faudra également identifier ce que désigne un « ensemble de clauses ». S’agira-t-il de clauses éparses sans rapport les unes avec les autres ou d’un dispositif cohérent se rapportant au même sujet (livraison, propriété intellectuelle, …) ?
7. L’article 1343-3 du code civil est modifié. La rédaction issue de l’ordonnance prévoyait que le paiement en une autre devise que l’Euro pouvait intervenir lorsque le paiement procède d’une opération à caractère international ou d’un jugement étranger. L’article 1343-3 étend cette exception aux opérations intervenant entre professionnels, dès lors que « l’usage d’une monnaie étrangère est communément admis pour l’opération concernée ».
Un article L 112-5-1 est inséré au Code Monétaire et Financier. Cet article dispose que « le paiement peut avoir lieu en une autre monnaie si l’obligation ainsi libellée procède d’un instrument financier à terme ou d’une opération de change au comptant ».
Exécution du contrat
8. L’article 1195 du code civil relatif au régime de l’imprévision reste inchangé, mais un article L. 211-40-1 est inséré au Code Monétaire et Financier. Il dispose que le régime de l’imprévision ne s’applique pas aux opérations sur titres et contrats financiers.
9. L’article 1165 créé par l’ordonnance prévoit que « dans les contrats de prestation de service, à défaut d’accord des parties avant leur exécution, le prix peut être fixé par le créancier, à charge pour lui d’en motiver le montant en cas de contestation ». En cas d’abus dans la fixation du prix, l’ordonnance prévoyait l’octroi de dommages et intérêts. Désormais, l’article 1165 prévoit, comme en matière de contrat cadre, le prononcé éventuel de la résolution du contrat.[1]
10. L’article 1223 du code civil relatif à la réduction du prix en cas d’exécution imparfaite du contrat a été modifié. Deux hypothèses sont envisagées. Si le créancier a déjà été payé, cette réduction de prix est subordonnée à l’accord du créancier, et, en l’absence d’accord, la réduction doit être accordée par le juge. Ce dispositif n’est pas modifié par la loi. Dans le cas où le prix n’a pas été payé en tout ou partie, l’article 1223 prévoit désormais que « le créancier peut, après mise en demeure …, notifier dans les meilleurs délais au débiteur sa décision d’en réduire de manière proportionnelle le prix. L’acceptation par le débiteur de la décision de réduction de prix du créancier doit être rédigée par écrit.». Cette modification n’apporte pas de réponse, comme la précédente version, à la question de savoir si la réduction du prix peut être pratiquée de façon unilatérale.
11. L’article 1221 du code civil consacré à l’exécution forcée en nature est modifié. [1] Il dispose désormais que « Le créancier d’une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l’exécution en nature sauf si cette exécution est impossible ou s’il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur de bonne foi et son intérêt pour le créancier ». L’adjonction de la locution « de bonne foi » a pour objectif d’éviter que le débiteur ne calcule l’obligation qu’il exécutera en fonction des dommages et intérêts qu’il aurait à verser. Dès lors, il incombera au débiteur qui conteste l’application de l’article 1221 du code civil d’établir sa bonne foi quoique n’ayant pas exécuté le contrat.
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D’autres dispositions de la réforme initiale du droit des obligations ont été modifiées par loi de ratification. Le Parlement a ainsi démontré, certes avec lenteur, sa capacité à contrôler le contenu des ordonnances.
[1] Entrée en vigueur au 1er octobre 2016
[2] Le dispositif relatif à la cession de dette est complété par d’autres dispositions