26 avril 2018
La Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a adopté le texte du projet de loi portant sur l’équilibre dans le secteur agricole et alimentaire, qui doit être discuté devant le Parlement à compter du 21 mai prochain. Ce texte pourrait bien modifier la donne en profondeur pour les négociations commerciales 2019.
Le projet de loi comporte notamment des dispositions renforçant l’encadrement contractuel entre les agriculteurs et les acheteurs. Il confirme également le champ des habilitations données au Gouvernement pour prendre des ordonnances visant à modifier le seuil de revente à perte, à encadrer les promotions (en volume et en valeur) et à simplifier les dispositions du titre IV du Livre IV du code de commerce (transparence tarifaire, facturation et pratiques commerciales abusives).
Ces dispositions étaient prévisibles à l’issue des premiers travaux des Etats Généraux de l’Alimentation.
En revanche, de façon surprenante et inattendue, la Commission a adopté un nouvel article au projet de loi visant à faire sortir du champ d’application de l’article L.441-7 du code de commerce les denrées alimentaires (texte qui impose la signature d’une convention annuelle avant le 1er mars, retraçant la négociation commerciale entre le fournisseur et son distributeur, négociation qui doit avoir pour base le tarif et les CGV du fournisseur).
L’exposé des motifs de cet amendement est très lapidaire et il a, de façon surprenante, suscité peu de débats en Commission (le Gouvernement a simplement exprimé sa « perplexité »). Pourtant, si le texte était adopté en l’état par le Parlement, cela constituerait une véritable révolution des négociations commerciales.
En effet, le dispositif actuel de l’article L.441-7 du code de commerce résulte de l’adoption, depuis 2005 [1], de lois successives ayant toutes eu pour objectif le rééquilibrage des négociations commerciales. Le cadre contractuel imposé par le code de commerce avait notamment été largement renforcé en 2008 par la LME et était alors présenté comme un garde-fou aux éventuelles dérives qui pouvaient résulter de la négociabilité tarifaire et de la suppression de la prohibition des pratiques discriminatoires.
Aucun dispositif alternatif n’étant proposé, l’adoption du projet de loi en l’état nous ramènerait donc au droit en vigueur avant 2005 (voire 1986), à la différence près, mais cela a son importance, que les pratiques discriminatoires ne sont à présent plus interdites. La négociation d’un prix net par le distributeur, sans qu’aucune contrepartie ne soit convenue entre les parties, serait alors parfaitement possible, sous la seule réserve de l’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Cette réforme serait donc de nature à fortement amoindrir la valeur du tarif des industriels et à priver ces derniers d’un levier juridique lors des négociations.
Au demeurant, si ce formalisme est inutile, pourquoi alors le maintenir pour les autres biens de grande consommation ?
Autre enseignement issu des débats de la Commission, le Gouvernement devrait présenter en séance un amendement visant à inclure un dispositif de contrôle des regroupements à l’achat, sur lequel le Gouvernement serait en train de travailler avec l’Autorité de la concurrence. Les annonces successives de ces dernières semaines, qui montrent une véritable valse des alliances, rendent d’autant plus d’actualité un encadrement de ces pratiques.
[1] L’obligation de formaliser dans un contrat écrit les services rendus par le distributeur au fournisseur était même déjà prévue dans l’Ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence.